Le CDR Paris condamne fermement le verdict rendu par le tribunal de Pampelune jeudi 26 avril 2018. Les violences commises sur une jeune femme de 18 ans par les 5 accusés (dont l’un est membre de la Guardia civil, la police de l’armée espagnole, et l’autre est un militaire) sont ce qu’on qualifie en France un viol en réunion. Mais ce n’est pas le viol en réunion commis par 5 hommes que les 3 juges ont retenu dans cette affaire, ce qu’ils ont retenu, c’est la réaction de la victime ou plus exactement l’interprétation qu’ils ont faite de la réaction de la victime qui se trouvait en état de sidération comme c’est souvent le cas dans les viols en réunion (une jeune femme de 18 ans face à 5 individus incontrôlables beaucoup plus âgés qu’elle). Plusieurs verdicts rendus récemment par la justice espagnole étayent la thèse que les femmes doivent résister jusqu’à la mort pour prouver qu’elles ont été violées, comme Nagore qui, également lors des Fêtes de San Fermin, a résisté et a été assassinée par son violeur. Cette « justice » continue d’imposer à tous une vision sacralisée du corps de la femme. Au XXIe siècle, cette « justice » continue à clamer que les femmes ne peuvent être que vierges ou martyres. Au nom de quoi, au nom de leur « honneur d’homme » qui pensent que le corps des femmes leur appartient ? Mais non, tout au moins en Occident, les femmes ont les mêmes droits que les hommes, elles sont des êtres humains libres de penser, d’agir, d’accepter, de refuser. Le corps des femmes n’appartient pas aux hommes.
On vous invite à rejoindre le rassemblement CE N’EST PAS UN « ABUS » C’EST UN VIOL!!!! qui se tiendra dimanche 29 à midi, place du Trocadéro.
(Photo: Réaction spontanée à la place Sant Jaume à Barcelone, jeudi 26 avril, gentillesse de Marx21)
Ci-dessous l’article publié par Lepoint.fr le 26 avril 2018:
Espagne – Viol collectif ou abus sexuel ? Verdict controversé au procès de « la meute »
C’était en Espagne « le procès de l’année ». Il s’était tenu en novembre 2017 à Pampelune. Cinq hommes, de 27 à 29 ans, se surnommant « la meute » (« la manada ») étaient accusés d’« agression sexuelle » sur une jeune Madrilène de 18 ans lors des fêtes de la San Fermín en juillet 2016, une agression qu’ils avaient filmée.
Lors du procès, la décision du juge d’inclure dans le dossier l’enquête d’un détective privé sur la vie de la plaignante a mis le feu aux poudres. « Ce qui est censé culpabiliser la victime de la meute, semer le doute sur sa condition morale, c’est qu’elle osait sortir dans la rue, boire des verres avec ses amies, après avoir été violée, au lieu de rester chez elle toutes fenêtres fermées et la tête couverte de cendres », s’est étranglée à la radio l’écrivaine Almudena Grandes. La phrase « Yo si te creo » (Moi, je te crois » avait envahi les réseaux sociaux et avait été scandée lors de manifestations.
Les 5 Sévillans – l’un des accusés est membre de la garde civile, actuellement suspendu de ses fonctions, un autre a appartenu à l’armée – ont été condamnés à 9 ans de prison pour « abus sexuel » aggravé d’« abus de faiblesse ». Il leur a également été interdit d’approcher la victime à moins de 500 mètres et de la contacter pendant 15 ans. Ils devront lui verser, tous ensemble, une indemnisation de 50 000 euros.
« On ne voit pas d’agression sexuelle, on voit des relations sexuelles, point »
Une demi-victoire pour les féministes : les juges du tribunal de Navarre (Nord) n’ont pas retenu la notion de viol pour lequel le Code pénal espagnol stipule qu’il doit y avoir « intimidation » ou « violence ». Quant à la peine de prison infligée, elle est très inférieure aux réquisitions du parquet, qui demandait 22 ans et 10 mois de réclusion contre chacun d’eux et 100 000 euros d’indemnisation totale.
Une des pièces centrales du procès avait été une vidéo de leurs actes, diffusée avec le message « en train d’en baiser une à cinq ». La jeune femme avait raconté avoir bu de la sangria, dansé et fait la fête avec des amis, avant de se retrouver seule sur un banc, où un des jeunes était venu lui parler « football » et « tatouage » selon elle. Puis elle avait embrassé un des garçons et suivi le groupe, sans « penser qu’allait se produire ce qui s’est produit ». « Quand je me suis vue cernée… Je ne savais plus comment réagir… J’ai réagi en me soumettant », avait-elle résumé devant le tribunal, en décrivant fellations et rapports imposés sans préservatif.
La défense avait réclamé l’acquittement, en n’admettant que le vol du téléphone de la victime, abandonnée à demi nue dans une entrée d’immeuble. Leurs défenseurs soutenaient que la jeune Madrilène – qui avait auparavant bu de la sangria – était consentante, puisqu’elle n’avait jamais semblé dire « non » : à l’image, « on ne voit pas d’agression sexuelle, on voit des relations sexuelles, point », avait plaidé l’avocat de trois d’entre eux, Agustin Martinez Becerra.
« La violence d’une justice patriarcale »
La procureur avait rejeté les arguments des défenseurs en disant que « l’intimidation, gravissime, avait empêché la résistance ou la fuite ». Elle expliquait que la jeune femme, qui ne s’était jamais adonnée au sexe en groupe, avait rencontré ses agresseurs sept minutes avant le « viol ». Les manifestations et la grève générale féministes du 8 mars en Espagne – inédites par leur ampleur – avaient fait référence à ce fait divers retentissant, notamment avec la pancarte « la pornographie crée des meutes ».
Une manifestation est annoncée dans la soirée à Madrid, ainsi qu’à Barcelone où la maire de gauche, Ada Colau, s’est adressée à la victime sur Twitter : « cela m’indigne qu’après un viol collectif, tu doives supporter la violence d’une justice patriarcale ».