Lettre envoyée par son auteure à Catalunya Ràdio et reproduite à Vilaweb, le 16 mai 2018 (version originale en catalan)
« Ils disent que mon fils est un terroriste. Ils veulent arrêter mon fils car ils disent qu’il est un terroriste. Je dois me le redire, encore et encore, pour y croire. C’est un cauchemar. Impossible d’en sortir.
Je ne suis experte ni en lois ni en code pénal, mais je suis douée d’un raisonnement logique et simple: Dans terrorisme il y a terreur. Et je vous l’assure, de la terreur il y en a. C’est celui qui t’accuse qui la distille.
La terreur c’est lorsqu’on rentre chez toi, à l’aube, en te disant qu’ils vont casser ta porte. La terreur c’est lorsqu’ils fouillent dans tous les recoins de ta maison, de ton intimité, à la recherche de je ne sais quoi tout en te disant: « Collaborez, Madame, collaborez ». La terreur c’est lorsqu’ils trouvent dans la chambre de ton fils quelques bouts de ficelle et malgré tes explications sur l’usage anodin qu’il en faisait, ils écrivent sur le procès verbal de la perquisition qu’ils ont trouvé des mèches. Impuissance. La terreur c’est que malgré leur comportement poli et correct tu sais qu’ils sont en train de détruire ta vie. Tu sais que plus jamais rien ne sera comme avant. La terreur c’est lorsqu’en partant ils te serrent la main mais tu sais qu’ils voient en toi la mère d’un terroriste. C’est de la cruauté. C’est du cynisme. La terreur c’est lorsque tu t’aperçois que ceux qui sont censés te protéger des dangers et des maux t’accusent de quelque chose de faux, de quelque chose que tu n’as pas fait et ils te laissent, impuissante, exposée publiquement et vulnérable. La terreur c’est lorsque te sachant être dans le vrai et la raison tu sens que tu n’as plus aucune ouverture. La terreur c’est lorsque choisie au hasard, de manière gratuite, impitoyable, agressive et volontaire ils t’utilisent pour effrayer la société. Avec la violence de la foudre qui tombe sur ta tête ils ne te tuent pas mais ils cherchent à détruire ton fils, toi-même, ceux que tu aimes, tes proches.
Lorsque les mots injustice, brutalité, manipulation, violence, disproportion, terreur,, deviennent insuffisants, le problème est immense.
Je n’aurais jamais imaginé qu’une chose pareille pouvait nous arriver; pouvait arriver à mon fils. Nous sommes des gens paisibles, sociaux, solidaires, engagés, portés au service d’autrui. La main bien tendue ils te donnent la grande gifle. Ils cherchent à mettre par terre toutes les valeurs et les principes que pendant des générations notre famille a forgés comme un grand trésor.
Quand je me vois au bord de l’abîme, que je pense au tournant malheureux que l’avenir a pris et à mon noble fils détruit, je sens des mains douloureuses, inconditionnelles et courageuses qui me tirent vers le haut et me montrent le ciel. Jamais je ne pourrai les en remercier suffisamment. Merci.
Instiller sans pitié le venin de la douleur et la peur est très mesquin. Mais ils ignorent que nous savons transformer le venin en élixir de vie, de dignité, d’espérances et de rêves ».
Photo: EEJ