Article publié dans Le Monde le 12 juillet 2018
Le tribunal régional supérieur de Schleswig-Holstein a autorisé jeudi 12 juillet la remise à Madrid du chef indépendantiste catalan Carles Puigdemont. « L’extradition pour l’accusation de détournement de fonds publics est recevable, une extradition pour l’accusation de rébellion n’est pas recevable », a précisé le tribunal.
Il revient au procureur d’organiser cette remise aux autorités espagnoles, ajoute le tribunal, qui précise que « Carles Puigdemont reste libre » dans l’intervalle. Le parquet a précisé qu’il allait « décider sous peu de l’autorisation d’extrader l’accusé pour détournement de fonds ».
L’ancien dirigeant a désormais la possibilité de s’opposer à son extradition en déposant un recours auprès de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe.
Extradé pour détournement de fonds publics
Poursuivi pour rébellion et détournements de fonds en Espagne en raison du référendum d’indépendance catalan organisé à l’automne 2017, Carles Puigdemont s’était réfugié en Belgique après sa destitution de la présidence catalane par Madrid et de là voyageait pour tenter d’internationaliser son combat. Il avait été interpellé à la fin de mars dans le nord de l’Allemagne. Il revenait d’un déplacement en Finlande, en voiture, en route pour la Belgique.
Les magistrats allemands avaient déjà acté en avril que l’ex-président catalan, destitué par le gouvernement espagnol à la fin d’octobre 2017, ne pourrait pas être extradé pour rébellion, mais qu’il pourrait l’être pour détournement de fonds publics. Une victoire pour M. Puigdemont, et un revers politique pour Madrid.
Cette décision porte un coup aux chefs d’accusation espagnols, car elle peut empêcher un procès pour rébellion, crime passible de trente ans de prison en Espagne : « La cour part du principe que le tribunal espagnol respectera [la décision allemande] et qu’il ne poursuivra pas l’accusé Puigdemont pour rébellion en plus de l’accusation de corruption. »
Les juges ont aussi rejeté les arguments de l’indépendantiste catalan, qui estimait être victime de poursuites politiques et que dès lors son extradition devait être interdite. « Il est aberrant de porter [une telle accusation] contre l’Etat espagnol, membre de la communauté de valeur et de l’espace juridique de l’Union européenne », estime le tribunal.
« Nous sommes convaincus que l’Allemagne ne doit pas prendre part à la criminalisation d’un comportement démocratique et qu’elle ne doit pas se mêler de querelles explosives internes à l’Espagne. Nous allons sous peu décider de la marche à suivre », ont pour leur part commenté dans un communiqué trois avocats allemands du leadeur catalan.
Pedro Sanchez, le chef du gouvernement espagnol, a déclaré en marge du sommet de l’OTAN à Bruxelles que Carles Puigdemont et toutes les personnes impliquées dans la tentative de sécession avortée en Catalogne à l’automne 2017 devaient « être jugés par les tribunaux espagnols ».
Au total, vingt-cinq dirigeants séparatistes catalans sont mis en examen pour leur rôle dans cette affaire. Parmi eux, treize sont accusés de rébellion. Neuf sont en détention provisoire, et quatre se sont enfuis à l’étranger, comme Carles Puigdemont.
Le Monde avec AFP
Photo: AP