Dans un communiqué du 15 mars 2022, la Coordination des Collectifs de Solidarité avec le Peuple Catalan s’adresse aux candidates et candidats à l’élection présidentielle 2022. Le dossier annexé à la lettre (publiée ci-après) peut être consulté en cliquant sur ce lien.
Le 10 mars 2022, Vous avez déclaré officiellement votre candidature à la magistrature suprême. Cette fonction, vous l’exercerez aussi dans le cadre de l’Union européenne, notamment pour y faire pleinement respecter, plus que partout ailleurs, ces libertés fondamentales qui sont les piliers sur lesquels repose toute notre démocratie. Déjà l’Union Européenne – et la France avec elle – s’est indignée à maintes reprises du recul de la démocratie au sein de certains de ses États membres comme la Hongrie ou la Pologne. Nul doute que, comme vos prédécesseurs, vous maintiendrez haut les exigences du droit. Dans ce cadre-là, vous allez aussi être confronté.e à une situation aussi grave qu’inédite: l’existence de prisonnier.ères politiques et d’exilé.es politiques, ainsi que de plus de 3 500 victimes de la répression, dans un des États de l’UE, l’Espagne, qui se revendique pourtant comme une démocratie consolidée et un État de droit. Le Conseil de l’Europe avait ainsi dénoncé, dans sa résolution 2381 du 21 juin 2021, simultanément la Turquie et l’Espagne en raison des peines exorbitantes attribuées à des opposant.es politiques poursuivi.es pour leur action politique, et, dans le cas de l’Espagne, l’existence de faits de persécution contre des fonctionnaires et d’exilé.es politiques (annexe 1). C’est pourquoi la Coordination des collectifs de solidarité avec la Catalogne (ColSolCat), qui vous adresse cette lettre, souhaite attirer votre attention sur ce que le.la futur.e président.e de la République française devrait savoir au sujet de cette crise qui, pour s’être cristallisée sur la Catalogne, n’en renvoie pas moins à une dimension universelle qui parle à chaque démocrate.
RÉPRESSION PENDANT ET APRÈS LE RÉFÉRENDUM DU 1er OCTOBRE 2017 À l’origine de ces tensions, il y a un problème interne à l’Espagne, la remise en cause du statut (sorte de Constitution régionale) d’une de ses régions, la Catalogne, en 2006. En 2010, la Cour constitutionnelle espagnole a vidé de sa substance ce statut voté au Parlement catalan, au Congrès espagnol, signé par le roi Juan Carlos I et approuvé par référendum par les citoyens catalans quatre ans auparavant ; ce nouveau statut étendait notamment l’autonomie et la reconnaissance nationale de la Catalogne. Ce faisant, la Cour constitutionnelle a déclenché une crise politique sans précédent qui a eu et continue d’avoir un retentissement dans la sphère européenne et, au-delà, dans les instances internationales. À partir de 2010, le mouvement indépendantiste catalan a connu une croissance exponentielle. Après 18 demandes du gouvernement catalan pour organiser une consultation citoyenne sur le devenir de la Catalogne, demandes ignorées par le gouvernement espagnol, Carles Puigdemont, devenu président (le 130e) de la Generalitat (gouvernement catalan) le 10 janvier 2016, a engagé son Parlement à accomplir les actes institutionnels qui devront aboutir à un référendum. Il a procédé de concert avec les principales organisations civiles et partis politiques favorables à l’autodétermination en Catalogne. Finalement, le référendum a été fixé au 1er octobre 2017. Toutefois, le gouvernement espagnol, en faisant intervenir violemment sa police contre de simples électrices et électeurs, a franchi, lui, la ligne rouge aux yeux de nombreux observateurs, parmi lesquels le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme ou Human Rights Watch. Rappelons que 1 066 blessé.es ont été recensés dans les centres hospitaliers pour des soins. À la suite de ces événements intervenus sous le gouvernement de Mariano Rajoy (Parti Populaire), neuf dirigeant.es politiques et sociaux catalan.es ont immédiatement été emprisonné.es et condamné.es deux ans après, en octobre 2019, à des peines allant de 9 à 13 ans de prison ; elles et ils sont accusé.es de sédition, de détournement de fonds, d’avoir autorisé le référendum et d’avoir appelé à manifester pacifiquement. Cet emprisonnement a été qualifié comme “arbitraire” par le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire ; des organisations comme Amnesty International ou Front Line Defenders ont demandé leur libération immédiate.
Le président du gouvernement catalan, plusieurs membres de son cabinet et d’autres dirigeant.es et député.es politiques ont été contraint.es de s’exiler en Belgique, en Écosse et en Suisse. Postérieurement, Carles Puigdemont, Toni Comín (exilés en Belgique) et Clara Ponsatí (éxilée en Écosse) sont devenu.es eurodéputé.es. Néanmoins, le gouvernement espagnol n’a cessé de poursuivre ces trois eurodéputé.es ainsi que les autres personnes exilées, 9 au total, en réclamant leur extradition à différentes reprises au moyen des mandats d’arrêt internationaux. En ce qui concerne les trois eurodéputé.es catalan.es, la justice espagnole a demandé au Parlement européen la levée de leur immunité parlementaire. Rappelons à ce propos que presque 43 % des eurodéputé.es ont refusé de lever l’immunité. Par ailleurs, en diverses occasions depuis 2018, les justices allemande, belge, suisse, écossaise et italienne ont rejeté les demandes d’extradition émanant du tribunal suprême espagnol. L’affaire de l’immunité parlementaire des eurodéputé.es catalan.es, immunité levée par le Parlement Européen puis rétablie provisoirement par le Tribunal de la Cour de Justice de l’Union Européenne (TJUE) en attendant qu’il se prononce sur le fond, n’est pas une question purement espagnole. Cette affaire concerne nos libertés à nous aussi, Françaises et Français. Ces trois député.es européen.nes sont aussi nos représentant.es comme ceux de tous les citoyen.nes des États membres de l’UE au Parlement européen. Nous pouvons également être emprisonnés pour nos opinions…
La société catalane, très pro-européenne, est très déçue par l’attitude des responsables de l’UE, qui ont déclaré dès 2017 ne pas vouloir s’immiscer dans un conflit interne à l’Espagne. Le gouvernement et la justice espagnols s’acharnent sur les indépendantistes catalan.es ; dans l’annexe 2, l’association Òmnium Cultural fait le point sur les plus de 3 500 personnes qui font l’objet de représailles depuis 2017, dont 1 629 personnes blessées par des brutalités policières, et 1 973 personnes faisant l’objet de poursuites pénales (Annexe 2). Ce sont deux logiques opposées qui s’affrontent. D’un côté, la demande de souveraineté d’une majorité des citoyen.nes catalans défendue via la le droit à l’autodétermination, la désobéissance civique et la non-violence, et de l’autre, le centralisme d’un état fort, qui déploie tous les moyens policiers et judiciaires possibles pour anéantir cette aspiration. Pour toutes ces raisons, il semble de plus en plus difficile de soutenir qu’il s’agit uniquement d’une affaire intérieure à l’État espagnol et il vous appartiendra, nous espérons, d’en convaincre également l’Union européenne. L’Espagne ne peut plus agir comme elle le fait. Elle ne pourra pas éviter la recherche d’une issue politique au conflit. Elle ne pourra plus utiliser la violence pour contrecarrer la volonté démocratique et majoritaire des Catalan.es qui s’est exprimée le 14 février 2021 dans les urnes, en donnant à nouveau à son Parlement une majorité absolue indépendantiste en sièges mais aussi, pour la première fois, en voix. Elle ne pourra le faire sans que cela entraîne des conséquences fâcheuses pour elle. Mesdames et Messieurs les candidat.es à l’élection présidentielle de 2022, c’est avec grand espoir que nous sollicitons de votre part une prise de position en soutien aux exigences démocratiques de la majorité du peuple catalan, à savoir : la recherche d’une solution politique au conflit, la fin de la répression et le respect du droit à l’autodétermination. Une telle prise de position renforcerait aussi l’intérêt de l’opinion française et sa compréhension des enjeux de la crise catalane et contribuerait à élargir la solidarité indispensable avec son peuple. Nous vous remercions, Madame, Monsieur, d’avoir pris le temps de nous lire et de prendre connaissance du dossier annexé. Avec nos salutations respectueuses, La Coordination des Collectifs de solidarité avec le peuple catalan |
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